Cérémonie annuelle à Souge, le 27 octobre 2024

Discours du bureau de l’Association du Souvenir des fusillés de Souge par Gérard Vignacq :

Mesdames et Messieurs,
Merci tout d’abord, pour leur présence,
À Monsieur le préfet (ou à son représentant)
À Monsieur le Général officier général de la zone de défense et de sécurité sud- ouest (ou à son représentant),
Aux représentants des institutions, aux élus(es), aux autorités militaires,
Merci aux municipalités de Bordeaux, Saint Médard et Martignas qui nous aident sur le plan matériel,
Merci au 13ème RDP pour sa contribution à la préparation du site,
Merci à la Chorale des Amis de l’Ormée, aux composantes, à tous ceux qui ont aidé à l’organisation de la cérémonie, aux familles, à vous tous qui vous êtes déplacés en ce dimanche après -midi.

Commémorer en 2024 la joie du 80 ème anniversaire de la Libération d’une partie du Pays en 1944 ne doit pas occulter que 1944 a été l’année la plus meurtrière ici à Souge, et que la fin de la guerre n’est intervenue que le 8 mai 1945.
Certes les nazis avaient abandonné la politique des otages, mais les revers militaires, les débarquements et avancées alliés, le développement de la Résistance intérieure et extérieure exerçaient une pression annonçant pour eux la défaite, les conduisant à démultiplier les déportations et à libérer leur sauvagerie tant pour la Wehrmacht que pour les SS.
102 résistants ont été fusillés durant les 8 premiers mois de cette année 1944.
La diversité est sans aucun doute la caractéristique à retenir : diversité des mouvements concernés, diversité des territoires d’intervention de la police et/ou des Allemands, diversité des origines géographiques des résistants et plus particulièrement des responsables qui face à la répression devaient changer d’affectation tous les trois mois environ, diversité enfin des nationalités des combattants. C’est également l’année où subsistent des interrogations, des doutes, sur l’identité des victimes, sur les autorités ayant ordonné les exécutions, sur les motifs des décisions allemandes.
Parce que cette année-là concentre aussi le plus grand nombre de jeunes engagés, nous avons, en ce 80 -ème anniversaire, décidé d’aborder la contribution de la jeunesse à la Résistance.
Sur les 102 fusillés, 44 d’entre eux avaient moins de 25 ans, 23 avaient moins de 20 ans, et 12 avaient moins de 18 ans.
5 d’entre eux appartenaient au Mouvement Honneur et Patrie 17,
8 au groupe FPT Bourgois,
5 aux israélites de Dordogne,
3 au groupe Marc,
6 au Maquis de Vignes-Oudides et
4 au Maquis d’Ychoux.

Ils étaient évadés des chantiers de l’organisation Todt, dans les équipes accueillant les parachutages, apprentis, ancien engagé dans l’armée de l’air et charpentier naval, responsables des Jeunesses communistes, étudiants disponibles pour l’action.
Il n’est malheureusement pas possible de tous les évoquer aussi retenons quelques profils singuliers.
André et Maurice (19 et 20 ans) devaient rejoindre un maquis du Lot. La veille de leur départ, le 18 septembre 43, ils dorment dans une grange chez un Résistant du groupe Honneur et Patrie qui doit les accompagner. Une perquisition dans la ferme, les voilà débusqués. Ils sont embarqués. Le 20 décembre ils sont condamnés à mort pour « intelligence avec l’ennemi » et fusillés le 11 janvier 1944.
Serge (18 ans) est né à Bruges. Il discute avec son père. Ils décident que celui-ci restera à la maison pour s’occuper du petit frère (c’est lui qui a entendu et rapporté la conversation) et que Serge va s’engager, ce qu’il fait dès le lendemain. Quelques jours après il est arrêté et sera fusillé.
Jean et Raymond (20 et 25 ans) du groupe FTP Bourgois participent aux déraillements de trains au lieu-dit La Vache à Bruges dans la nuit du 9 septembre 1943 et assassinent une sentinelle allemande toujours à Bruges le lendemain 10 septembre à 22h10. Lors de l’anéantissement du groupe ils seront condamnés pour actes de Franc-Tireur et fusillés le 26 janvier 1944.
Les frères Henri et Théodore (19 et 24 ans), lycéens parisiens, et les frères Claude et Lucien (17 et 20 ans) étudiants lillois, sont répertoriés sur la liste intitulée « Les 7 israélites ». Réfugiés en Dordogne ils sont engagés dans la Résistance locale. Lors des missions ponctuelles auxquelles les deux premiers participent pour le compte du groupe Armée Secrète Rolland, Henri y est infirmier et son frère lieutenant. Tous deux sont au travail dans les bois. Les Allemands vont les y chercher. Il semble établi qu’ils ont été dénoncés par un habitant qui avait fait parvenir à leur employeur des lettres de menaces. Condamné en 1945 à 3 ans de prison par le tribunal de Bordeaux, le dénonciateur a interjeté appel et a vu sa peine commuée en 3 ans …avec sursis.
Mais Théodore et Henri eux n’ont pas eu droit au sursis. Ils ont été fusillés le 19 avril 1944.
André (25 ans), étudiant strasbourgeois, réfugié à Clermont-Ferrand, gergoviote puis accomplissant des missions pour Combat, est arrêté, probablement sur dénonciation, dans un train à Puyoo. Il sera fusillé sous un pseudonyme le 1° août 1944.
Le 25 juillet 1944, la milice et la Wehrmacht attaquent le maquis de Vignes-Oudides près de Lesparre. 6 tués sur place. Marcel, Alphonse, Louis et Robert (20,21,19 et 25 ans), transférés au fort du Hâ seront fusillés le 1° aout.
Chez Serge la résistance est une affaire de famille. Le père, René, militant communiste muté d’office par Vichy sera arrêté, interné à Eysses et déporté. Le fils Serge, au fil des déplacements de la famille, s’engage et crée un groupe patriotique, organise quelques sabotages, un maquis en Lozère. Mais pourchassé par les Allemands il se retrouve dans les Landes à Ychoux pour une mission de sabotage d’un train en gare de Caudos. Encerclés par les Allemands les 4 survivants sont arrêtés, internés au Fort du Hâ et fusillés le 1er août 1944. Serge avait 17 ans.
Au terme du cycle du 80ème anniversaire des fusillades le travail continue bien sûr pour l’Association.
Toujours avec la volonté de porter haut ce qui fait notre singularité :

  • Une grande diversité des composantes de notre organisation, et des victimes (gaullistes, communistes, socialistes, chrétien, juifs, sans engagements)
  • Une volonté de bien identifier la particularité de l’idéologie nazi faites de rejet de l’autre, de la mise en cause d’un bouc émissaire, d’antisémitisme, de xénophobie, d’atteintes aux libertés à la dignité humaine.

En regard de ce qui se passe dans le monde et en France aujourd’hui il est plus qu’indispensable de donner corps au slogan « Oublier ?…jamais ».
« Oublier ? …Jamais » Cette formule, pour être concrète, suppose au plan international comme au plan national, de bannir, chasser, éradiquer toutes les attitudes, les propos, les actes basés sur le rejet de l’autre.
« Oublier ?…jamais ».Cette formule, pour être concrète, suppose qu’en même temps soient prises les mesures économiques, sociales, politiques et d’éducation, pour la faire vivre.
Le « Vivre ensemble » appelle respect et moyens de vivre, de s’éduquer, de s’exprimer pour tous les êtres humains.
Le « Vivre ensemble » dans la paix et le respect de tous est à ce prix.

Et au moment où le bruit des bottes résonne de nouveau sur le continent européen comme à ses portes, le travail de Mémoire mené ici permet de rappeler l’inébranlable volonté pacifiste qui a animé les survivants de cette période. Dans la diversité encore, ils ont eu à cœur que la voix de la France soit celle de la paix et de la diplomatie. Puisse cette voix résonner plus fort encore aujourd’hui.

Merci.