Dernière(s) lettre(s)
Lundi 9 Mars 42
Ma chère Nadine,
Ma chère petite Monique,
Soyez courageuses. Vous ne me reverrez plus.
J’ai été condamné à mort le 4 mars et je vais être fusillé ce soir à 17h30. J’ai beaucoup prié pour vous. Gardez mémoire intacte. Je meurs en bon Français.
Maintenant, tu vas être libre et tu peux encore refaire ta vie. Je te le conseille même de tout cœur, cela n’empêche pas de prier pour le repos de mon âme et de penser à moi. Que Monique continue ses études à Cadouin pour en sortir avec une bonne situation. Je lui recommande d’être sérieuse, honnête, et de se rappeler qu’elle a été élevée aux Dames de Nevers.
Si un jour tu as l’occasion de me faire inhumer, soit que le gouvernement t’accorde la gratuité du transfert ramène moi à Cadouin, où je n’ai trouvé que sympathie. Sur ma tombe, du lierre et une simple croix en bois, ni fleurs, ni couronnes.
Une pensée à chacun de nos amis et remercie les d’avoir bien voulu s’occuper de moi pendant ma captivité.
Conserve intact mon souvenir je pars en emportant de toi la plus suave vision et pardonne moi de t’avoir fait quelques pleurer. Je ne connaissais pas mon bonheur près de toi et rappelle toi que faute de 4 secondes, je ne serais pas séparé de toi pour la vie, si le grand Jo ne nous avait pas arrêté au bord de notre allée.
Je meurs victime de l’égoïsme patronal français, car si Brusson m’avait mieux rétribué, je serais resté bien tranquillement à mon poste car je ne pensais nullement faire ce métier. Mais c’est le destin et ce dernier est parfois cruel. Comme je n’ai jamais eu de chance dans ma vie que je n’ai pu même t’apporter le nécessaire, notre vie n’a été faite que de souffrances morales.
Aussi je quitte cette vie avec la ferme conviction que la Bienheureuse Éternité me sera donnée au Ciel et c’est vous deux que je pleure dans nom épreuve. Allons, courage, courage, dans quelques instants j’aurai remis mon âme à Dieu. J’ai reçu la Sainte Communion et le bon prêtre qui m’a assisté dans mes derniers moments t’écrira sans doute.
Adieu donc ma Nadine chérie, adieu, mon enfant adoré, adieu tous.
Je vous embrasse une dernière fois de tout mon cœur et de toute mon âme longuement jusqu’à l’éternité.
Albert Baudrillart
Et pour que la France vive, vive Pétain.
Document original donné au Maitron des fusillés en janvier 2018 par Roger Sarrail.
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