Témoignages des proches

Les enfants, neveux et niÚces témoignent dans cette vidéo commune : témoignages vidéo

Le pĂšre de Marie-ThĂ©rĂšse Gauthier appartenait au groupe Honneur et Patrie-17 et a Ă©tĂ© dĂ©portĂ© (voir l'historique ci-dessous).  Elle a tĂ©moignĂ© en mĂȘme temps que les descendants de ce mĂȘme groupe dont le pĂšre a Ă©tĂ© fusillĂ© Ă  Souge » : TĂ©moignage M-T G

Historique du Groupe Honneur et Patrie

Rédigé par Henri Guyot : un clic pour afficher les pages !

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Action du Groupe Honneur et Patrie

Quelques éléments ci-dessous sur l'action du groupe Honneur et Patrie de Charente-Maritime

Les parachutages

Souvenirs de Guy Chotard

Discours inaugural de la stÚle du Pont de la BergÚre à Saint-Just-Luzac prononcé par Alexis Marot le 11 juin 1967

Le secteur de Saint-Just-Marennes

Origine des groupes

Le secteur est organisĂ© par Guy Chotard, pilote de chasse, libĂ©rĂ© de ses obligations militaires en octobre 1940. Il tente Ă  deux reprises de passer en Angleterre, finalement en juin 1942, il se fixe Ă  Marennes. Peu aprĂšs par l’intermĂ©diaire de Robert Duc et de Marcel Pattedoie deux connaissances marennaises, Jean Garnier chef de l’organisation paramilitaire dĂ©partementale, le contacte pour le compte de l’OCM. Il lui demande de recruter des rĂ©sistants et d’organiser la rĂ©gion de Marennes. En tant que responsable local, il reçoit diverses missions : collecter des renseignements sur les forces ennemies mais surtout repĂ©rer un terrain pour de futurs parachutages et par consĂ©quent prĂ©parer une Ă©quipe pour cette Ă©ventualitĂ©. La rĂ©gion semble favorable avec ses grandes Ă©tendues de marais vouĂ©s Ă  la solitude. Pour s’assurer une couverture, Chotard devient marchand d’Ɠufs sur les marchĂ©s, une activitĂ© qui le cas Ă©chĂ©ant lui permettrait de justifier ses dĂ©placements de chef rĂ©sistant. À la suite d’une rĂ©union Ă  La Rochelle chez LĂ©opold Robinet, le nouveau responsable dĂ©partemental, il est chargĂ© de prĂ©parer l’avenir et d’organiser des sections civiles qui le moment venu, seront capables de remplacer les fonctionnaires collaborateurs et d’assurer le contrĂŽle des structures administratives, mairie, poste, tribunal. Le colonel Laudoyer responsable militaire du secteur, lui demande de s’informer sur les possibilitĂ©s agricoles locales et sur les stocks, ce dont il charge Max Roy. Au cours d’une de ses visites, le colonel lui demande de l’accompagner chez Jean Hay, l’ancien dĂ©putĂ© de Marennes, qui dĂ©jĂ  avait Ă©tĂ© contactĂ© par Jean Garnier, sur les conseils de Raymond Bouchet. Laudoyer et Chotard lui proposent de diriger la rĂ©sistance locale. Jean Hay dĂ©cline la proposition, prĂ©cisant qu’il n’a jamais Ă©tĂ© soldat par contre il en accepte la responsabilitĂ© civile.

L’organisation de la rĂ©sistance dans le Marennais

Début 43, des équipes de volontaires sont constituées. Elles sont spécialisées.

  • L’équipe de renseignements est surtout basĂ©e sur Marennes. :
  • HervĂ© Augustin, le patron du cafĂ© de Paris est trĂšs Ă  l’écoute de ses habituĂ©s allemands qui souvent abusent de la boisson et lĂąchent des indiscrĂ©tions intĂ©ressantes.
  • Émile Garnier apporte des nouvelles de la rĂ©gion, ainsi que M. Ricou chef du passage des eaux de la Seudre Ă  La Cayenne entre Marennes et La Tremblade.
  • À la poste le directeur, M. Quentin surveille courrier et tĂ©lĂ©phone, les Allemands utilisant frĂ©quemment le Central de la poste.
  • Dans les tribunaux oĂč passent documents et dossiers, le prĂ©sident du tribunal de Rochefort M. Dufour, et M. Limousin huissier au tribunal de Saintes, recueillent et transmettent de nombreuses informations.
  • L’équipe de parachutages comprend six hommes dont :
    • Robert Duc de Hiers/Brouage,
    • Trois membres de la famille Gorichon de Saint Just qui a payĂ© un lourd tribu Ă  la rĂ©sistance. Le pĂšre ancien poilu, veuf avec 7 enfants n’a pas supportĂ© en juin 1940, les 8 jours d’occupation de sa ferme et les dĂ©prĂ©dations qui s’en sont suivies. Ses filles chassĂ©es de la maison, ont dĂ» coucher dans la paille. De plus son exploitation est la seule ferme du secteur Ă  devoir livrer une partie de sa production aux rĂ©quisitions. Il entraĂźne dans la rĂ©sistance ses fils Jean et RenĂ© qui dĂ©jĂ  avaient Ă©tĂ© sollicitĂ©s par Max Roy.
    • Jean Gautier, transporteur, propriĂ©taire d’un camion 5 tonnes, Ă©quipĂ© d’un gazogĂšne, dans lequel il a mis toutes ses Ă©conomies. Deux jours par semaine, il est rĂ©quisitionnĂ© par les Allemands pour aller chercher de l’approvisionnement Ă  La Pallice. Pour assurer son activitĂ©, il a obtenu un permis de circulation de jour et surtout de nuit. Au moment opportun, il va se mettre Ă  la disposition du groupe pour transporter les armes parachutĂ©es.
  • À la gendarmerie de Marennes, Chotard s’est entendu avec l’adjudant -chef, Roger Brossard, que Jean Garnier a connu dans son poste prĂ©cĂ©dent Ă  la brigade de Saint Hilaire de Villefranche.
  • Un groupe s’est créé Ă  Bourcefranc, la ville voisine de Marennes avec Pierre Gorry et Baptiste Tellet

ÉtĂ© 1943, la rĂ©gion de Marennes est intĂ©grĂ©e dans l’organisation de la RĂ©sistance dĂ©partementale. Les membres du groupe se retrouvent sous la direction du mouvement « Honneur et Patrie » et de son chef LĂ©opold Robinet. En tant que chef rĂ©sistant local, Guy Chotard a participĂ© Ă  plusieurs rĂ©unions de l’état-major dĂ©partemental Ă  La Rochelle.

La responsabilité civile

Début août 1943, Jean Hay, voit ses responsabilités élargies. En effet, il a été nommé responsable civil du secteur Sud-ouest du département dont Marennes et Saint Just font partie. Il est secondé par le président du tribunal de Rochefort, M. Dufour, le greffier du tribunal de Saintes Jean Limousin et le directeur des postes de Marennes M. Quentin.

Dans ce petit monde marennais un minimum de cloisonnement a Ă©tĂ© Ă©tabli. Guy Chotard est le seul de son groupe, connu de l’état-major rochelais, de Jean Hay et de l’adjudant de gendarmerie Brossard. De mĂȘme qu’il ignore que Robert Etchebarne le chef de groupe Ă  Dolus, qui a participĂ© Ă  l’un des parachutages, est un agent de liaison de « Honneur et Patrie » et de Centurie.

L’organisation du secteur Marennes / Saint Just

  • Équipes de parachutage

Responsable : Guy Chotard. Jacques Palacin (F), Robert-Élie Duc, (F), Paul Chiron, RenĂ© Gorichon (F), Jean Gorichon (F), Édouard Camus.

  • Transport des armes :

Jean Gautier (D), René Gadreau.

  • Montage des armes et commandos :

Secteur de Marennes : Guy Chotard, Jacques Palacin (F), Robert-Élie Duc (F), Paul Chiron, Ferdinand LecĂȘtre, Joseph Maquier.

Secteur de Saint-Just : Jean Gorichon (F), RenĂ© Gorichon (F), Roger Gorichon, Édouard Camus, Victor Camus, Marcel Neau (D).

  • PrĂ©paration de parachutages et organisation gĂ©nĂ©rale :

Secteur de Marennes : Marcel Pattedoie, Adjudant-chef de gendarmerie Brossard.

Secteur de Saint-Just : Roger Gorichon, André Chotard, Max Roy

  • Équipe Civile : M. Dufour, Jean Limousin, M. Quentin
  • Équipe de renseignements : HervĂ© Augustin, Émile Garnier, M. Ricou.

Les parachutages

Les Ă©quipes de Marennes/Saint Just ont participĂ© Ă  trois parachutages dont deux pour leur secteur. Le troisiĂšme Ă©tait destinĂ© Ă  Victor Charles de Romegoux. DĂ©but juillet, le terrain ayant Ă©tĂ© homologuĂ©, le balisage vĂ©rifiĂ©, Guy Chotard en compagnie de Jean Garnier, se rend Ă  La Rochelle pour avertir LĂ©opold Robinet et lui transmettre le message, « la mer est calme, les flots sont bleus ». Pour l’équipe, l’attente quotidienne prĂšs du poste de radio est relativement courte. La premiĂšre tentative Ă  la mi-juillet, ayant Ă©chouĂ©, le parachutage annoncĂ© par le mĂȘme message, a lieu dans la nuit du 11 au 12 aoĂ»t.

Dans une lettre à Henri Gayot, Guy Chotard en a laissé une description précise :

« À 1 heure du matin nous entendĂźmes l’avion qui nous arrivait par le Nord-est, Ă  environ 3 kilomĂštres au Nord de notre position. Je fis allumer les feux dans le sens du vent « Est-Ouest ». Le feu vert Ă  droite du premier feu rouge face au vent. Je faisais cacher mon Ă©quipe pour la mettre Ă  l’abri d’une rafale de mitrailleuse si par manque de chance nous avions affaire Ă  un avion allemand. Je restais Ă  cĂŽtĂ© du feu vert pour passer l’indicatif « la premiĂšre lettre du message » Ă  l’aide de ma lampe torche. AprĂšs nous ĂȘtre passĂ© par 3 km. Nord, l’avion qui avait aperçu les feux vint nous faire un premier passage Ă  500 mĂštres d’altitude. Je lui passais le L en morse ; il vira sur la gauche, rĂ©duisant ses quatre moteurs et perdit de l’altitude, il revint face au vent Ă  environ 100 mĂštres d’altitude. Avant d’arriver Ă  notre verticale, de sa tourelle avant il rĂ©pondit avec une lampe blanche au L en morse que je lui faisais parvenir. Puis ce fĂ»t le clic-clac des huit parachutes qui s’ouvraient et touchaient le sol presque immĂ©diatement. Il remit les gaz et disparut Ă  l’horizon par le Nord-est 
 AussitĂŽt les parachutes Ă  terre, tombĂ©s Ă  vingt mĂštres les uns des autres, le premier Ă  dix mĂštres de la premiĂšre lampe rouge. C’étaient des champions. Ils nous avaient fait un parachutage de chef.

ImmĂ©diatement nous nous mĂźmes au travail : enlever les parachutes des huit containers, les rassembler, les dĂ©faire car chaque container se divisait en quatre parties de 50kg. Pendant que l’équipe creusait un grand trou pour enterrer provisoirement les containers, je faisais l’inventaire assistĂ© de Édouard C. et de Robert D
  Si l’avion avait donnĂ© l’éveil aux Allemands il est bien Ă©vident qu’‘il aurait Ă©tĂ© trĂšs dangereux de se trouver en face d’une patrouille en alerte avec un chargement d’armes, de plus
 vu le terrain choisi, il n’y avait aucune chance de pouvoir situer l’endroit prĂ©cis et de trouver les 10 m2 oĂč Ă©taient enterrĂ©s les containers, surtout que le tout Ă©tait recouvert de gazon prĂ©alablement enlevĂ© et reposĂ© exactement en place « vu (que) l’humiditĂ©, l’herbe dans le marais ne jaunit pas » 


Notre travail fĂ»t terminĂ© Ă  5h.30 du matin et nous avions eu la chance qu’un Ă©pais brouillard se forme vers les 3h du matin nous facilitant le travail et nous permettant Ă  chacun de rentrer chez nous avec 10 mĂštres de visibilitĂ© au plus  »

Les deux suivants se sont dĂ©roulĂ©s les 15 et 18 aoĂ»t dans le mĂȘme lieu isolĂ©, Ă  proximitĂ© du pont de la BergĂšre, site Ă  l’écart d’une circulation importante et facilement repĂ©rable Ă  partir du ciel entre la route, le canal et la voie ferrĂ©e. D’autre part, l’adjudant-chef Brossard informĂ© par Chotard, Ă©vitait d’envoyer une patrouille dans le secteur du parachutage. PersuadĂ© Ă  l’étĂ© 43, que le dĂ©barquement Ă©tait proche, Chotard a prĂ©vu une cache provisoire : un trou creusĂ© dans le marais sur le lieu mĂȘme du parachutage oubliant que les pluies d’automne transforment le marais en bourbier tandis que l’humiditĂ© peut entraĂźner une dĂ©tĂ©rioration du matĂ©riel. Finalement les armes sont dĂ©mĂ©nagĂ©es de nuit, par Jean Gautier que Chotard a guidĂ© dans le marais. Elles sont cachĂ©es sur la propriĂ©tĂ© Gorichon dans la cave d’une maison abandonnĂ©e Ă  200 mĂštres de la ferme mais
 en bordure de la route Saintes /Marennes, axe assez passager. Elles sont dĂ©ballĂ©es, prĂȘtes Ă  ĂȘtre redistribuĂ©es si l’ordre en est donnĂ©. Quelques temps plus tard, le groupe sans doute, dĂ©cide de les dĂ©placer et les camoufle au fond d’une fosse de stockage des betteraves amĂ©nagĂ©e dans un champ Ă  l’écart de la ferme. Bien que discrĂštes toutes ces allĂ©es et venues n’ont-elles pas Ă©veillĂ© la curiositĂ© du voisinage ?

GrĂące aux deux parachutages le groupe de Marennes/Saint-Just dispose d’un stock d’armes et munitions, Ă©valuĂ© Ă  4.8 tonnes. Par la suite le colonel Laudoyer informe Chotard qu’une partie de ce stock est destinĂ©e Ă  l’üle d’OlĂ©ron oĂč la densitĂ© d’occupation est trop forte pour risquer un parachutage. Le transfert dans l’üle serait possible grĂące Ă  la participation de Joseph Maxier qui fait souvent la traversĂ©e avec son bateau et de Robert Etchebarne agent des PTT dans l’üle qui d’ailleurs, a participĂ© au premier parachutage. Les arrestations de septembre et octobre 1943 mettent fin Ă  toute idĂ©e de livraison.

Disposant dĂ©sormais d’armes, Chotard dĂ©cide alors de prĂ©parer militairement ses hommes. Il les organise en deux commandos, l’un sur Marennes et l’autre sur Saint Just. Plusieurs fois par semaine, les hommes se retrouvent nuitamment pour apprendre dans un premier temps le montage et l’utilisation des armes.

L’arrestation du groupe

Ce n’est que le 24 septembre 1943, soit 11 jours aprĂšs le dĂ©but des arrestations rochelaises que Guy Chotard est mis au courant des Ă©vĂšnements par Jean Limousin. Étant le seul connu de LĂ©opold Robinet, il dĂ©cide de se mettre Ă  l’abri mais auparavant il met en garde ses Ă©quipes. Cependant, le groupe est vite rassurĂ© par un calme qui n’est sans doute qu’apparent puisqu’en octobre il est rapidement identifiĂ©. Il fait partie de la deuxiĂšme vague d’arrestations qui finit d’éliminer le groupe « Honneur et Patrie ». Son arrestation serait liĂ©e Ă  une imprudence verbale de Robert Duc, une remarque trop prĂ©cise faite lors d’un mariage Ă  Sainte Radegonde, le 28 aoĂ»t 1943. Alors qu’il se trouvait Ă  une table de fumeurs, au cours de la discussion, il aurait lĂąché : « les Anglais peuvent venir quand ils voudront, on a ce qu’il faut pour les aider », propos exact ou bien que la mĂ©moire lui a attribuĂ© ? La remarque relevĂ©e par un serveur et transmise Ă  la gestapo, devait ĂȘtre assez significative et avoir concouru Ă  mettre les allemands sur la piste.

Quelques jours avant les arrestations, les habitants ont vu des policiers qui enquĂȘtaient un peu partout dans la rĂ©gion et recherchaient des indices sur les parachutages. Ils dĂ©tiennent une information trĂšs vague : les armes seraient chez « deux frĂšres ». Le 8 octobre, tard le soir la gestapo fait une premiĂšre visite dans la maison familiale de la famille Duc et se retire. Par contre, elle arrĂȘte un autre Duc qui, alors qu’il est ramenĂ© chez lui dĂ©signe une maison Ă  Hiers, oĂč dit-il, habite un autre Duc.

Aussi, le dimanche 10 octobre trĂšs tĂŽt, les Allemands investissent le secteur entre Saint-Just et Hiers. Dans ce dernier village la gestapo se prĂ©sente au domicile dĂ©signĂ© qui est bien celui de Robert Duc. La perquisition leur permet de dĂ©couvrir un parachute cachĂ© sous un matelas, preuve indiscutable de sa participation aux parachutages. Duc est rapidement retrouvĂ© et arrĂȘtĂ©. PressĂ©s d’identifier ses « complices », les allemands exigent la convocation de tous les hommes de 18 Ă  45 ans. Le maire de Saint-Just envoie le garde champĂȘtre battre tambour Ă  travers la commune pour avertir les hommes qu’ils doivent se prĂ©senter Ă  la mairie, entre 9 heures et midi. Ils sont contraints Ă  dĂ©filer dans la grande salle de la mairie, devant Robert Duc encadrĂ© par un policier civil et le secrĂ©taire de mairie, mais Duc n’a voulu reconnaĂźtre personne. Avant de sortir, le secrĂ©taire de mairie a remis Ă  chacun une attestation tamponnĂ©e avec cachet de la mairie. Inquiets Roger Gorichon, les frĂšres Camus, Max Roy se sont rapidement Ă©loignĂ©s tandis Jean et RenĂ© Gorichon s’attardent Ă  bavarder. Les Allemands, peu convaincus par le rĂ©sultat de la premiĂšre confrontation, exigent un deuxiĂšme passage devant Duc, mais cette fois chacun doit en mĂȘme temps, dĂ©cliner son identitĂ©. Les hommes encore prĂ©sents sur la place sont rappelĂ©s et les deux frĂšres Gorichon immĂ©diatement suspectĂ©s, sont retenus. Ils doivent monter s’expliquer au premier Ă©tage. Dix minutes plus tard, d’une pĂąleur extrĂȘme, encadrĂ©s, ils ressortent de la mairie et sont embarquĂ©s dans deux voitures, direction la caserne « Commandant Lucas » Ă  Marennes oĂč ils subissent des interrogatoires d’une extrĂȘme violence.

Dans une lettre de 1996, le garde champĂȘtre qui a fait le tour du village avec son tambour, a Ă©voquĂ© les scĂšnes auxquelles il a assistĂ© dans la mairie, ce 10 octobre 1943 :

 « Rentrant dans la grande salle, je vois cet Ă©tendard portant l’insigne hitlĂ©rien et Ă  cĂŽtĂ© de lui, Duc de Hiers que je connaissais bien 
 La salle Ă©tait pleine Ă  craquer de jeunes curieux de voir. Des Allemands questionnaient Duc 


Le grand Mounier me repousse me disant :

  • Fous-moi le camp, on est dĂ©jĂ  trop ici.

Je reçois l’ordre de rappeler les jeunes, principalement les Gorichon. RenĂ© qui causait avec madame Jermain l’institutrice, me dit :

  • Et ils nous font ch
 !

Mais retournant Ă  la mairie, les deux frĂšres montĂšrent (Ă  la) salle du cadastre. Quelques minutes plus tard, (ils Ă©taient) comme un drap » 


 « Deux autos allemandes les attendaient au moment oĂč ils montaient Ă  part dans chaque auto et partirent direction la caserne (
.) Ă  Marennes.

Tenant cela de ma femme (alors jeune femme de Jean Gorichon) les Allemands montraient Jean la face dans une flaque d’eau et disaient Ă  René : 

  • Tu vois ton frĂšre est mort, si tu en veux autant avoue.


 Je tiens cela de ma femme mariée à Jean le 25 septembre 1943, restée 15 jours mariée.

Au cours de l’aprĂšs-midi, les deux frĂšres sont ramenĂ©s chancelants et hagards, Ă  l’endroit oĂč les armes ont Ă©tĂ© cachĂ©es. Elles sont intĂ©gralement rĂ©cupĂ©rĂ©es. La fouille de la ferme permet de dĂ©couvrir dans une armoire, un autre parachute. Le pĂšre, Julien Gorichon arrĂȘtĂ© pour interrogatoire, violentĂ©, est relĂąchĂ© deux jours plus tard tandis que le petit groupe est transfĂ©rĂ© Ă  la prison Saint Maurice Ă  Rochefort oĂč il retrouve des rĂ©sistants de Marennes dont Jean Hay, ceux de l’üle d’OlĂ©ron et de Rochefort arrĂȘtĂ©s pour la plupart la veille. Ils sont rejoints le 14 octobre par Jacques Palacin et Jean Gautier et le 11 novembre par Marcel Neau. Tous sont considĂ©rĂ©s par les autoritĂ©s comme des membres de « Honneur et Patrie » et ont Ă©tĂ© jugĂ©s comme tels.

La détention à Rochefort

Elle va durer deux longs mois dans la souffrance et l’angoisse qui alternent avec des moments d’espoir. Les interrogatoires des premiers jours sont d’une extrĂȘme brutalitĂ©, les confrontations Ă©puisantes. Tous les moyens sont bons : coups, chantage. La peur de craquer est obsĂ©dante. C’est ainsi qu’au soir d’un de ces premiers interrogatoires Jean Hay confie Ă  l’un de ses camarades qu’il a tenu mais qu’il craint de ne pouvoir rĂ©sister lors des prochains. Dans la nuit il tente de mettre fin Ă  ses souffrances en s’ouvrant les veines.

Les vĂȘtements souillĂ©s de sang qui sont remis aux familles contre du linge propre, tĂ©moignent de l’état physique des prisonniers mais leurs geĂŽliers soucieux de l’apparence, leur prodiguent quelques soins 


Mme Gautier se souvient encore d’un pantalon qui, Ă  son grand Ă©tonnement Ă©tait coupĂ© au niveau des fesses. Elle a appris par la suite que c’était l’Ɠuvre des coups de nerf de bƓuf. Son mari avec une cuisse aux chairs broyĂ©es, des plaies infectĂ©es qui dĂ©couvrent l’os, a failli ĂȘtre amputĂ© de la jambe.

De son cĂŽtĂ© RenĂ© Gorichon dans une lettre Ă  son amie Lucette raconte qu’il est immobilisĂ© lui aussi, Ă  cause d’une jambe probablement fracturĂ©e : « L’infirmier vient tous les quatre jours, ce qui a envenimĂ© la plaie qui s’est chargĂ©e d’humeur surtout ici que 
 le manque d’air et d’agitation, le sang s’est beaucoup viciĂ©. Maintenant, j’ai une planche pour immobiliser la jambe, vous parlez que ça m’amuse cette invention, avec ça, ils me font des pansements froids au liquide Daquin pour tirer l’humeur, c’est trĂšs supportable et ça fait du bien. »

Les familles ont l’autorisation d’apporter nourriture et habits dans lesquels, elles glissent des petits mots, du tabac, quelques douceurs et parfois elles rapportent des lettres cachĂ©es dans une bouteille thermos. « ChĂšre Lucette. J’espĂšre que vous avez reçu de mes nouvelles, il n’y a pas longtemps. J’avais Ă©crit dans une bouteille thermos chez moi pour qu’on vous la fasse parvenir, chose qui a Ă©tĂ© faite. Du moment qu’ils viennent nous ravitailler tous les deux jours  » RenĂ© Gorichon a pu faire parvenir trois lettres Ă  son amie Lucette. Ce courrier Ă©changĂ© par la famille Gorichon donne quelques indications sur les conditions de dĂ©tention.

«  hier j’ai eu deux lettres, une de chacun, ils ont toujours bon moral. Jean me demande une assiette en fer, nous (n’en) avons pas, mais maman en a 
 ainsi qu’un jeu de carte
 (Paulette Gorichon). Madame Gautier se souvient qu’elle se rendait quotidiennement Ă  Rochefort Ă  bicyclette. En montant sur le talus qui bordait alors le mur de la prison, comme les autres femmes, elle pouvait voir les fenĂȘtres du premier Ă©tage. Si par bonheur un dĂ©tenu apercevait l’une ou l’autre, il faisait passer le message et quelquefois, elles pouvaient voir leur mari, fils, fiancĂ© et communiquer par signes. GrĂące Ă  la complicitĂ© des gardiens, deux enfants ont Ă©tĂ© introduites dans la prison pour voir leur pĂšre : la petite fille de Jacques Palacin et la petite Marie ThĂ©rĂšse Gautier alors ĂągĂ©e de 7 ans qui a pu rapporter un petit mot de son pĂšre.

Une mĂȘme dĂ©tresse crĂ©e des liens. Une microsociĂ©tĂ© de solidaritĂ© et d’entraide morale, d’amitiĂ© s’organise. Pendant la pĂ©riode des interrogatoires, les consignes sont strictes et il est interdit de parler pendant la promenade. Par contre, lorsqu’ils sont dans leurs cellules, les conditions d’internement favorisent les Ă©changes d’informations permettant de savoir ce que l’on peut lĂącher et ce que l’on doit taire pendant les interrogatoires. Alexis Marot qui a vĂ©cu cette Ă©preuve, en a tĂ©moignĂ© dans un discours, le 11 juin 1967 :

«  la prison Saint Maurice, qui comportait des cellules de force au rez-de-chaussĂ©e et des chambres disciplinaires au 1er étage, n’était pas conçue pour tenir ses prisonniers au secret. Cette situation particuliĂšre a permis des contacts, des conversations avant les interrogatoires : elle a eu pour rĂ©sultat certains acquittements faute de preuve


Les premiers arrĂȘtĂ©s mirent peu de temps Ă  s’apercevoir qu’il Ă©tait possible, sans le moindre risque, de parler avec les voisins de cellule. Les nouveaux arrĂȘtĂ©s, aprĂšs une pĂ©riode de silence plus ou moins longue, finissaient par rĂ©pondre aux appels des plus anciens. Les quelques minutes devant les lavabos chaque matin permettait de donner un visage aux camarades dont nous ne connaissions que d’abord que la voix. De vĂ©ritables liens d’amitiĂ© se sont nouĂ©s au fur et Ă  mesure des nouvelles arrestations et nous avons appris Ă  bien connaĂźtre les caractĂšres et la personnalitĂ© de camarades comme Duc, Etchebarne, Jean Gauthier, les frĂšres Gorichon, Palacin pour ne citer que ceux dont l’inculpation Ă©tait directement liĂ©e aux parachutages et qui ne sont pas revenus


Deux circonstances faisaient de Saint Maurice une prison exceptionnelle : la nourriture quotidienne Ă©tait fournie par les familles et les gardiens Ă©taient, dans l’ensemble, comprĂ©hensifs et pitoyables. »

La durĂ©e de la dĂ©tention est source de dĂ©couragement, d’ennui mais aussi d’espoir. Est-ce par inconscience de sa situation ou seulement pour rassurer son amie Lucette que RenĂ© Gorichon termine sa lettre du 10 dĂ©cembre, par une note optimiste «   en attendant des jours meilleurs qui j’espĂšre seraient, car les bruits qu’on appelle ici « radio – prison » sont bons ».

Mais 
 le 13 dĂ©cembre Paulette, l’épouse de Jean Gorichon qui comme d’habitude, se rend Ă  Rochefort pour apporter de la nourriture, elle apprend qu’ils sont « partis du matin laissant valises et couvertures pour une direction inconnue


Dans la mĂȘme lettre adressĂ©e Ă  Lucette elle ajoute « mardi je suis partie Ă  Bordeaux et retournĂ©e jeudi pour aucun succĂšs. Ils ne veulent pas nous dire oĂč ils les ont emmenĂ©s ».

En effet, le 13 dĂ©cembre en camions bĂąchĂ©s encadrĂ©s militairement, tous les dĂ©tenus de « Honneur et Patrie » de la prison Saint Maurice sont transfĂ©rĂ©s au fort du HĂą Ă  Bordeaux. Ils savent qu’ils vont ĂȘtre jugĂ©s :

« Avant le dĂ©part, un gardien nous avait confirmĂ© ce qu’avait dit la gestapo, c’est-Ă -dire, que nous allions ĂȘtre jugĂ©s, mais il avait ajoutĂ© que 16 d’entre nous seraient condamnĂ©s Ă  mort 
 et nous Ă©tions 28 Ă  partir. Bien peu sur les 28 avaient conscience de faire partie des 16 condamnĂ©s  » (Alexis Marot).  Ils sont rejoints par les rĂ©sistants de La Rochelle, de Jonzac


Ils se retrouvent dans une « vraie » prison au rĂ©gime sĂ©vĂšre. Aucune communication n’est possible. Les familles tentent vainement d’obtenir une autorisation de visite. Ils ont droit Ă  un avocat commis d’office. Une des familles finit par obtenir un rendez-vous avec lui et comprend qu’il n’y a rien Ă  en espĂ©rer. Pour la plupart d’entre elles, elles demeurent dans l’ignorance du procĂšs, de ses rĂ©sultats. Certaines d’entre elles ont appris l’exĂ©cution quelques jours aprĂšs.

C’est le tribunal militaire de La Rochelle dĂ©placĂ© Ă  Bordeaux qui officie Ă  la fin du mois de dĂ©cembre. Les accusĂ©s sont amenĂ©s devant le tribunal trois par trois, enchaĂźnĂ©s pieds et mains pour une parodie de jugement.

21 condamnations à mort sont prononcées. Le groupe de Marennes/Saint Just est particuliÚrement touché avec quatre condamnés à mort qui sont fusillés le 11 janvier 1944.

« Nous ne devions plus les revoir et le dernier souvenir d’eux que je peux Ă©voquer, c’est la voix de Duc, le soir du 24 dĂ©cembre 1943, annonçant, depuis les cellules des condamnĂ©s Ă  mort oĂč ils Ă©taient dĂ©jĂ  transportĂ©s, leur condamnation par le tribunal. Sa voix forte ne tremblait pas  » (Alexis Marot)

Quant aux familles des condamnĂ©s Ă  la dĂ©portation, elles n’ont pas Ă©tĂ© informĂ©es. C’est grĂące Ă  des petits mots que des cheminots ont trouvĂ© entre les rails, qu’elles ont su qu’ils Ă©taient dĂ©portĂ©s. Sur l’un, il Ă©tait dit « nous partons tous en bonne santĂ© vers le Nord  », le deuxiĂšme annonçait un dĂ©part « vers l’Est, untel en tel endroit, untel en tel autre endroit  ». Jean Gauthier, Marcel Neau, Jean Hay ne sont pas revenus.

Jean Gorichon 26 ans, René Gorichon 22 ans, Robert-Elie Duc, 33 ans, Jacques Palacin, 35 ans sont fusillés.

NB : les familles de Saint Just sont dans l’ensemble des familles modestes, dĂ©passĂ©es par la situation, dĂ©munies de moyens de dĂ©fense. Elles ne savent comment rĂ©agir, Ă  qui s’adresser, Ă  la diffĂ©rence par exemple de Madame Robinet qui a contactĂ© un avocat Ă  Paris qui la tient au courant des Ă©vĂ©nements. Cependant certaines ont essayĂ© vainement de rencontrer l’avocat commis d’office. Elles ignorent la date du procĂšs fin dĂ©cembre et les sentences prononcĂ©es. La famille Gorichon apprend l’exĂ©cution de ses deux membres quelques jours aprĂšs et parce que l’une des sƓurs est allĂ©e chez l’avocat Ă  Bordeaux. C’est la secrĂ©taire qui l’informe qu’il n’y a plus rien Ă  faire

Créé le 10/02/2006 par  Nicole Proux ; TĂ©moignage de Mme Gauthier 05/05/2006 ; Discours d’Alexis Marot du 11/06/1967 ; TĂ©moignage Ă©crit du garde champĂȘtre, 1996 ; Lettres de RenĂ© Gorichon, de Madame Jean Gorichon ; Henri Gayot, Occupation, RĂ©sistance, DĂ©portation, 1940 – 1945.